Mesdames,
Messieurs,
Cela s’est passé à Kielce. Une employée du maréchalat (préfecture) s’est convertie à l’islam. Elle s’est mise à porter un voile lui couvrant les cheveux et de sombres jupes longues. Les ennuis n`ont pas tardé. Finalement, cette femme a été licenciée. L’employeur prétendait qu’il n’y avait pas eu discrimination religieuse. Cependant, le conseil des prud’hommes a statué en faveur de la femme en considérant qu’elle devrait être rétablie dans l’exercice de ses fonctions dans les conditions initiales.
Les recours ne -sont pas épuisés. Mais, d’ores et déjà, on voit qu’au bout de 10 ans dans l’UE les dilemmes liés au multiculturalisme deviennent les nôtres. L’affaire de Kielce démontre que les controverses ne doivent pas forcément être liées à une immigration de masse. L’une des affaires les plus retentissantes en Occident, ces temps derniers, concernait la réponse à la question de savoir si une crèche privée avait le droit de licencier une éducatrice pour port du voile islamique au travail.
Ce genre de dilemme revêt aujourd’hui une dimension européenne. Italie, Allemagne, Grande-Bretagne – en ce moment partout la question se pose de savoir quel système de valeurs est susceptible d’unifier efficacement la société. Or, la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé, récemment, la conformité avec la loi de l’interdiction de se voiler le visage dans l’espace public en France. C’était, de nouveau, l’affaire d’une jeune femme qui s’était plainte d’être discriminée pour port du niqab.
Théoriquement, on ne peut non plus entrer dans des écoles, administrations, gares ou parcs le visage masqué par un casque moto ou un passe-montagne, mais tout le monde sait que ce qui est visé est la burqa ou le niqab. Le non respect de cette interdiction fait encourir une lourde amende. En Belgique, les pressions de parents musulmans en vue de faire enseigner à l’école le modèle traditionnel de la famille et de permettre aux enfants de porter des habits traditionnels ont finalement abouti à l’interdiction de port du voile.
Tout compte fait, l’idée de l’alliance entre des musulmans conservateurs et, par exemple, des catholiques, contre le principe de laïcité, ne semble plus guère si exotique. Il suffit de mentionner la possibilité de défense en commun d’un modèle familial traditionnel.
En Pologne, les récents conflits, violents, entre des partisans d’un État laïc et des catholiques, devraient inciter à une réflexion sérieuse.
Qu’allons-nous choisir ? Comment va fonctionner en pratique la tolérance polonaise ? Notre parlement va-t-il, lui aussi, vouloir voter une loi interdisant le port, dans l’espace public, de niqabs et de burqas islamiques ?
Nous relançons donc le vif débat qu’a ouvert, dans nos colonnes, la confrontation entre Martha Nussbaum, partisane de l’idée d’une adaptation mutuelle des immigrés et des communautés d’accueil et Alain Finkielkraut, qui s’oppose fermement à des concessions faites par la culture dominante aux immigrés.
Aujourd’hui, nous demandons à Charles Taylor, Olivier Roy et Ivan Krastev de commenter cet échange entre philosophes du politique de renom international.
Bonne lecture !
Jarosław Kuisz
Le Sujet de la semaine a été réalisé en coopération avec le Centre de civilisation française et d’études francophones de l’Université de Varsovie qui a pour mission de favoriser les échanges intellectuels entre la France et la Pologne.”
En sont également partenaires l’Institut des sciences de l’homme de Vienne et Eurozine.
Conception du Sujet de la semaine : Jarosław Kuisz.
Coopération : Paul Gradvohl, Aneta Bassa, Błażej Popławski, Adam Puchejda, Łukasz Pawłowski, Michał Matlak.
Illustrations : Anna Krztoń [www.anna.krzton.com/blog].